3 cas de tumeurs ovariennes chez des furettes
Sommaire
- Les tumeurs ovariennes sont rares chez les furettes de compagnie en raison du fort taux de stérilisation dans cette espèce.
- Elles doivent faire partie du diagnostic différentiel de toute masse abdominale chez une furette non stérilisée.
Auteurs : Drs. C. Bulliot(1), DV, Dip ECZM (Small mammals) – S. Romain(2), DV – L. Flenghi(2), DV – C. Levrier(2), DV. 26-05-2017
(1) Exotic Clinic – 38 rue d’Arqueil – 77176 Nandy
(2) Service NAC, CHV Cordeliers – 29 av du Maréchal-Joffre – 77100 Meaux
E-mail : nac@chvcordeliers.com
Cet article a été publié dans : PratiqueVet (2017) 52 : p 184-187
Objectifs pédagogiques
Être capable
- d’intégrer une tumeur ovarienne dans le diagnostic différentiel d’une masse abdominale chez une furette non stérilisée
- de connaître la démarche diagnostique et le traitement.
Crédit de formation continue
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Trois cas de tumeurs ovariennes chez des furettes
Trois furettes âgées de 5 ans et demi à 7 ans sont individuellement présentées pour une alopécie non prurigineuse, essentiellement de la queue et la croupe, évoluant depuis trois semaines. Les trois furettes sont en œstrus depuis 8 à 12 semaines. Elles ne présentent pas d’antécédents médicaux notables et ne sont pas stérilisées.
Deux des furettes sont des anciennes reproductrices. La troisième n’a jamais reproduit et a régulièrement présenté des chaleurs qui se sont interrompues naturellement au bout de quelques mois.
Cas clinique
Examen clinique
L’état général est bon pour chaque furette. La furette 1 est maigre. Les furettes 2 et 3 présentent une dilatation abdominale (Photo 1).
Une alopécie est constatée sur les trois animaux ; elle concerne essentiellement la queue, la croupe et les flancs. Une alopécie de la face ventrale concerne deux furettes et une alopécie de la tête est observée sur l’une d’elles (Photo 2).
Aucune autre anomalie n’est observée sur la peau. Un œdème vulvaire est présent chez chaque furette.
L’examen clinique montre la présence d’une masse abdominale pour chaque patient. Les masses sont mobilisables et ont une consistance dure et un contour irrégulier. Elles sont très volumineuses pour les furettes 2 et 3 (approximativement 10-15 centimètres). Leur palpation n’est pas douloureuse.
Hypothèses diagnostiques
L’observation d’une alopécie non prurigineuse chez des furettes non stérilisées en œstrus prolongé nous oriente vers une hypothèse d’hyperœstrogénisme.
Les hypothèses diagnostiques concernant la masse abdominale incluent une organomégalie (foie, rein, rate, ganglion, appareil génital), une tumeur, un granulome infectieux (mycobactérie, coronavirus systémique), un kyste, un hématome et un abcès intra-abdominal.
Examens complémentaires
Un examen sanguin biochimique et hématologique est réalisé pour chaque furette. Les résultats biochimiques sont dans les limites des valeurs usuelles. Les résultats de l’hématologie indiquent une numération érythrocytaire en deçà de l’intervalle de référence (Tableau 1).
La radiographie montre une masse abdominale non identifiable. Aucune métastase pulmonaire ou osseuse d’une éventuelle tumeur n’est mise en évidence.
L’échographie conclut à une tumeur ovarienne et une hyperplasie utérine modérée pour chaque furette.
Traitement
En raison de l’absence d’anémie importante associée à un éventuel hyperœstrogénisme, un traitement chirurgical est entrepris avec succès.
Les trois furettes ont reçu une prémédication (buprénorphine à 0,05 mg/kg, méloxicam à 0,2 mg/kg, midazolam à 0,3 mg/kg). Une anesthésie gazeuse est utilisée (isoflurane et oxygène).
Le traitement consiste en une ovariohystérectomie selon une méthode classique : ligature puis résection des pédicules ovariens, ligatures indépendantes des vaisseaux utérins et du vagin proximal puis résection de ces derniers, fermeture de la cavité abdominale en trois plans (musculaire, sous-cutané et cutané).
Le volume de la tumeur retirée est très important pour les furettes 2 et 3 (12 cm environ de diamètre) (Photos 3A à 3C) et modéré (4 centimètres) pour la furette 1.
L’analgésie a été prolongée durant trois jours postopératoires. Les trois furettes ont rapidement récupéré de l’opération.
Photo 1
Distension abdominale de la furette 2
Photo 2
Alopécie non prurigineuse de la furette 1
Photo 3A - Furette 1
Temps peropératoire et observation des tumeurs ovariennes des furettes 1 (A), 2 (B) et 3 (C).
Photo 3B - Furette 2
Photo 3C - Furette 3
Photo 4
Vue microscopique (HE, grossissement x 40) d’une coupe histologique d’une masse montrant une tumeur mésenchymateuse.
L’anisocytose et l’anisocaryose sont modérées et quelques atypies sont observées. Les mitoses sont peu nombreuses.
Diagnostic définitif et évolution
L’analyse histopathologique conclut à un léïomyosarcome ovarien pour les trois furettes (Photo 4).
La convalescence se passe bien pour les trois. L’œdème vulvaire disparaît dans les trois semaines suivant la chirurgie.
La repousse des poils est complète dans les 4 à 6 semaines postopératoires.
Les trois furettes sont décédées de mort naturelle huit mois à deux ans après la chirurgie sans signe de complication.
Discussion
Une prévalence en évolution
La littérature rapporte de façon très contradictoire une prévalence très faible à très élevée des tumeurs ovariennes chez les furettes [2–8].
L’explication repose sur l’extension du Furet en temps qu’animal de compagnie et non plus seulement d’expérimentation et sur sa stérilisation devenue quasi-systématique.
Le Furet, animal de compagnie
Les publications anciennes, avant que le Furet ne devienne un animal de compagnie classique et que sa stérilisation soit devenue routinière pour la prévention de l’hyperœstrogénisme, citaient les tumeurs ovariennes comme parmi les tumeurs les plus fréquentes dans cette espèce.
Les tumeurs ovariennes sont les deuxièmes tumeurs chez le Furet après le lymphome selon des publications datant des années soixante aux années quatrevingt-dix [2,3]. Ce sont les tumeurs les plus fréquemment observées dans une étude rétrospective avec 24 cas sur 95 tumeurs en 1989 [4].
De nombreuses publications présentent des cas cliniques tels que les 20 cas, au sein d’un unique élevage de furets, rapportés en 1980 [5]. Les tumeurs de l’appareil reproducteur sont rarement décrites chez la furette dans les publications plus récentes en raison du très fort taux de stérilisation dans cette espèce. Leur prévalence réelle actuelle est de ce fait difficile à établir.
Les tumeurs ovariennes sont décrites comme étant des tumeurs spontanées et souvent de découverte fortuite à l’occasion d’une laparotomie ou d’une échographie notamment.
Les symptômes sont parfois absents. Ils peuvent inclure de l’alopécie, un œdème vulvaire, un œstrus persistant, une diminution de la fertilité et de la léthargie. Les publications rapportent généralement des cas sur des furettes âgées, sans données précises sur l’âge moyen [2–8].
Tumeur maligne vs bénigne
Différents types histologiques ont été rapportés : thécome, fi bromyome, carcinome, léïomyome, léïomyosarcome ou tératomes [6,7].
Ces tumeurs peuvent être simples ou multiples c’est-à-dire contenant plusieurs types histologiques.
D’autres tumeurs ovariennes sont décrites dans la littérature mais elles concernent des rémanences ovariennes postchirurgicales et non des tumeurs primitives de l’ovaire.
Ces dernières incluent des tumeurs de la granulosa, des léïomyomes et des fi brosarcomes.
Une seconde contradiction constatée dans la littérature concernant les tumeurs ovariennes chez la furette réside dans leur nature maligne ou bénigne [2-4,7,8].
Notre laboratoire d’analyses histologiques (Vetdiagnostics, Lyon, France) a répertorié 13 cas de tumeurs gonadostromales et 3 cas de léïomyosarcomes.
Il s’agit, selon les auteurs de tumeurs malignes, de bas grade dans 72 % des cas ou de tumeurs bénignes [7,8].
La discordance de ces affirmations peut provenir dans une différence d’interprétation de la nature des cellules entre les anatomopathologistes [9].
Au vu de la taille des tumeurs des trois cas décrits ici et du fait qu’une tumeur ovarienne puisse être multiple, nous nous permettons d’avancer également l’hypothèse que l’intégralité d’une tumeur de taille importante ne pouvant être analysée, la nature maligne ou bénigne peut être selon les cas sur- ou sous-évaluée.
Il est important de souligner qu’aucun cas de métastases ou d’infiltrations locales n’a été rapporté [7,8].
Ceci laisse à penser que la malignité de la tumeur, si elle est avérée, est probablement de bas grade et locale. Aucun cas n’a été rapporté chez des furettes stérilisées par implant contraceptif.
Conclusion
Les tumeurs de l’appareil génital doivent être incluses dans le diagnostic différentiel d’une masse abdominale chez une furette non stérilisée.
Le diagnostic repose sur la clinique et l’imagerie médicale.
Après avoir éliminé ou traité la présence d’un hyperœstrogénisme, le traitement chirurgical doit être entrepris car il est curatif.
La littérature semble indiquer que ces tumeurs sont fréquentes chez les furettes non stérilisées et que leur nature histologique peut être maligne bien qu’aucun cas de métastase ni d’infiltration locale n’ait été rapporté [7,8]
Mémo
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À lire…1. Hein J et coll. Reference ranges for laboratory parameters in ferrets. Vet Rec. 2012 ; 171 : 218-23. |
RemerciementsLes auteurs remercient le Dr. Alexandra Nicolier (Vetdiagnostics) pour son prêt iconographique et ses conseils. |