Exérèse d’une masse costale et reconstruction par un lambeau
Sommaire
- Les tumeurs costales primaires nécessitent souvent une résection en bloc de la masse et des structures adjacentes.
- Un lambeau musculo-cutané constitué par le muscle grand dorsal et la peau en regard peut être utilisé pour reconstruire la paroi thoracique lors de retrait de trois à cinq côtes
Auteurs : Drs. L. Bonneau et S. Libermann 01-11-2013 Centre Hospitalier Vétérinaire des Cordeliers, 29 avenue du Maréchal Joffre, 77100 Meaux. E-mail : lbonneau@chvcordeliers.com Cet article a été publié dans : Le Point Vétérinaire / Décembre 2016 / N° 371 p 56 – 57
Exérèse d’une masse costale et reconstruction par un lambeau
Le traitement chirurgical de la plupart des tumeurs costales primaires malignes consiste en une résection en bloc d’une partie de la paroi thoracique. L’exérèse doit inclure deux côtes saines craniale et caudale à la tumeur, des marges de 3 cm d’os sain ventralement et dorsalement à celle-ci (après planification chirurgicale par un examen tomodensitométrique) et, latéralement, des marges de 3 cm au sein des tissus mous adjacents (trajet de biopsie, plèvre, muscle, fascia) [2].
Il est recommandé d’enlever entièrement la côte affectée car une propagation intramédullaire de la tumeur au-delà de la masse visible peut avoir lieu [2]. Une telle exérèse chirurgicale crée un défaut important dans la paroi thoracique qu’il est nécessaire de reconstruire. Différentes techniques sont décrites pour cette reconstruction pariétale : méthodes autologue, prothétique et composite (combinaison des deux techniques précé- dentes). Les techniques autologues consistent en l’utilisation de lambeaux musculaires (muscle grand dorsal ou muscle oblique externe selon la localisation du défaut pariétal), de lambeau d’omentum, ou en l’avancement du diaphragme pour les défauts caudaux.
Un lambeau musculo-cutané constitué du muscle grand dorsal et de la peau en regard peut être employé lors de résection de trois à cinq côtes [1]. Ce procédé apporte un résultat fonctionnel et esthétique satisfaisant [4]. Les complications rapportées sont une nécrose cutanée, une déhiscence de plaie, un pyothorax, une effusion pleurale et un œdème périphérique [1]. Un volet costal est parfois observé, qui ne compromet pas la fonction respiratoire et qui se résout généralement en quelques jours [4]. Une concavité peut apparaître à l’endroit du lambeau, qui s’amenuise avec la repousse du poil [4]. Cette technique évite l’utilisation d’implants, associés à un risque plus élevé de collection liquidienne inflammatoire sous-cutanée et d’infection de la plaie [1, 4].
En revanche, elle implique davantage de dissection tissulaire et une plaie de plus grande taille. La mise en place d’un drain dans l’espace sous-cutané permet de réduire le risque de collection liquidienne inflammatoire sous-cutanée (jusqu’à 40 % des cas) [3]. Toutefois, les bénéfices d’un drain sous-cutané doivent être évalués pour chaque cas par rapport au risque de dissémination de cellules tumorales le long du trajet du drain.
Un drain thoracique doit être placé pour gérer l’épanchement pleural potentiel en phase postopératoire et permettre l’administration in situ de molécules analgésiques (par exemple des anesthésiques locaux, comme la bupivacaïne).
Photo 1 - Préparation du site chirurgical
La planification chirurgicale est importante : le chirurgien doit s’assurer que la longueur du lambeau et la rotation permettent la reconstruction du défaut pariétal.
Une incision cutanée avec des marges latérales de 3 cm au pourtour de la tumeur est réalisée. La dissection des tissus souscutanés se fait à distance de la tumeur jusqu’à la paroi costale, afin de réaliser une exérèse dite “en bloc”.
Photo 2 - Exérèse de la côte
L’exérèse de la côte concernée doit être la plus complète possible : deux ostéotomies sont réalisées à la scie oscillante, le plus proche possible, dorsalement, de l’articulation costo-vertébrale et, ventralement, du sternum.
Les côtes craniale et caudale à la lésion sont partiellement excisées de la même façon.
Photo 3 - Large défaut au niveau de la paroi thoracique
L’exérèse en bloc crée un large défaut au niveau de la paroi thoracique. Le diaphragme (flèche noire) et le lobe pulmonaire caudal droit (flèche blanche) sont visualisés.
Photo 4 - Réalisation du lambeau musculo-cutané provenant du muscle grand dorsal
La vascularisation du lambeau dépend de l’artère thoraco-dorsale, située dans le creux caudal à l’épaule. Cette artère doit être préservée lors de la dissection du lambeau (flèches) afin de conserver sa viabilité (encadré complémentaire sur www.lepointveterinaire.fr) [5].
L’incision cutanée est poursuivie en profondeur jusqu’au muscle grand dorsal. La largeur de muscle incorporée dans le lambeau doit correspondre à la largeur de l’incision cutanée.
Le muscle est séparé de son attache dorsale sur le fascia thoraco-lombaire, puis il est progressivement élevé en le séparant des tissus sous-jacents.
Les vaisseaux intercostaux passant par le muscle doivent être ligaturés ou cautérisés [5].
Photo 5 - Manipulation du lambeau
Après sa dissection, le lambeau est manipulé à l’aide de deux points d’appui posés en regard de son bord libre (flèches).
Photo 6 - Fermeture de la paroi thoracique
La paroi thoracique est initialement refermée dorsalement à l’aide de sutures péricostales (monofil résorbable de type PDS II déc. 3,5).
Un drain thoracique est placé sous contrôle visuel avant la fermeture complète du thorax.
Photo 7 - Abaissement du lambeau
Le lambeau est abaissé et mis en rotation pour venir refermer le défaut de la paroi thoracique.
Le muscle grand dorsal est suturé à l’aide de points en croix aux muscles intercostaux.
Photo 8 - La paroi thoracique est complètement reconstruite
Ce plan de sutures musculaires et péricostales constitue la première couche participant au maintien de l’étanchéité du thorax. Un premier surjet sous-cutané est réalisé au niveau de la plaie dorsale.
Photo 9 - Mise en place d’un drain et fermeture cutanée
Afin de limiter la formation d’une collection liquidienne inflammatoire sous-cutanée, un drain aspiratif est placé dans l’espace sous-cutané de la plaie.
Le tissu sous-cutané est refermé par des points en croix. Chaque plan de suture participe à assurer l’étanchéité du thorax, nécessaire au rétablissement du vide pleural par le drain thoracique.
La peau est refermée par des points en croix ou par un surjet selon la tension de la plaie.
Le drain thoracique est vidangé pour rétablir le vide pleural, puis de la bupivacaïne (à la dose de 1,5 mg/kg diluée dans du sérum physiologique) est injectée par cette voie.
Un bandage est mis en place pour protéger les plaies et la sortie des drains.
Références[1] Halfacree ZJ, Baines SJ, Lipscomb VJ et coll. Use of a latissimus dorsi myocutaneous flap for one-stage reconstruction of the thoracic wall after en bloc resection of primary rib chondrosarcoma in fve dogs. Vet. Surg. 2007;36:587-592. [2] Liptak JM, Kamstock DA, Dernell WS et coll. Oncologic outcome after curativeintent treatment in 39 dogs with primary chest wall tumors (1992-2005). Vet. Surg. 2008;37:488-496. [3] Liptak JM, Dernell WS, Rizzo SA et coll. Reconstruction of chest wall defects after rib tumor resection: a comparison of autogenous, prosthetic, and composite techniques in 44 dogs. Vet. Surg. 2008;37(5):479-487. [4] Pavletic MM. Myocutaneous flaps and muscle flaps. In: Atlas of small animal wound management and reconstructive surgery. 3[rd]ed. Wiley-Blackwell, Iowa. 2010:481-510. [5] Pavletic MM. Pedicle grafts. In: Textbook of small animal surgery. 3[rd]ed. Saunders, Philadelphia. 2002: 292-320. |