Diagnostic et traitement de l’aspergillose naso-sinusale canine

Sommaire

  • Un chien rottweiler mâle âgé de 8 ans est présenté en consultation pour un jetage bilatéral et des éternuements évoluant depuis un mois, avec un amaigrissement associé.
  • À l’examen général, les muqueuses sont roses, et la courbe respiratoire et l’auscultation pulmonaire sont normales.

Auteur : Dr. A. Gautherot 23-03-2012
Centre Hospitalier Vétérinaire des Cordeliers, 29-35 avenue du Maréchal Joffre, 77100 Meaux.
E-mail : agautherot@chvcordeliers.com
Cet article a été publié dans : La Semaine Vétérinaire (Mars 2012) 1488 : p 38-39



Diagnostic et traitement de l’aspergillose

Points forts

  • Le diagnostic est établi à partir de la positivité de 8 des 9 examens suivants : imagerie médicale (radiographie, scanner ou IRM), rhinoscopie, identification d’Aspergillus (par cytologie, histologie ou mise en culture), sérologie.
  • Le traitement topique par balnéation est recommandé, si possible après débridement.
  • La présence ou l’absence de signes cliniques ne préjuge pas de la guérison. Un examen de contrôle par rhinoscopie est conseillé, associé systématiquement à une nouvelle balnéation.
  • Le pronostic est réservé (:6 % de guérisons seulement, même lors de traitements répétés), en raison du risque de chronicité et d’extension de la maladie, au système nerveux notamment.

Cas clinique

Anamnèse et examen clinique

Un chien rottweiler mâle âgé de 8 ans est présenté en consultation pour un jetage bilatéral et des éternuements évoluant depuis un mois, avec un amaigrissement associé.

À l’examen général, les muqueuses sont roses, et la courbe respiratoire et l’auscultation pulmonaire sont normales.

L’examen approfondi de l’appareil respiratoire supérieur met en évidence un jetage mucopurulent bilatéral et une augmentation du flux d’air nasal à gauche.

Balnéation chez un berger allemand atteint d’une aspergillose naso-sinusale. L’énilconazole à 7 % est injecté dans les cavités nasales via des sondes de Foley placées dans les narines.

 

Diagnostic

Les hypothèses diagnostiques incluent une rhinite infectieuse ou consécutive à la présence d’un corps étranger, et une néoplasie nasale.

Des examens complémentaires d’imagerie sont entrepris.

  • Un examen tomodensitométrique (qui permet, selon l’expérience de l’auteur, une meilleure évaluation des lésions qu’une radiographie) montre des images de rhinite atrophique à gauche, avec une extension sinusale ipsilatérale.
  • Une rhinoscopie est réalisée dans le même temps anesthésique. Elle objective une inflammation nasale bilatérale et confirme la destruction partielle des cornets nasaux à gauche. Un tapis mycélien est visible et un diagnostic visuel de rhinite fongique est établi.

Des prélèvements des colonies fongiques sont pratiqués, qui sont positifs pour Aspergillus fumigatus.

Traitement et suivi

Le traitement consiste en une balnéation des cavités nasales avec une solution d’énilconazole à 2 %, après un rinçage sous pression des tapis mycéliens. Cette balnéation est continue durant une heure. Elle est associée à un traitement systémique au kétoconazole (10 mg/kg/j).

Lors du contrôle 1 mois plus tard, le jetage est toujours présent. Un nouvel examen rhinoscopique est complété par la trépanation des sinus frontaux.

L’introduction du rhinoscope dans les orifices de trépanation confirme la présence de placards fongiques au niveau de l’ostium sphénoïdal. Les sinus sont flushés avec une solution saline, puis une seconde balnéation à l’énilconazole est mise en oeuvre, suivie de l’application d’une crème au clotrimazole à 1 % dans chaque sinus.

Une phase de rémission est observée pendant 1 mois, au cours duquel le chien n’est plus symptomatique et reprend du poids.

Au contrôle suivant, à 2 mois postopératoires, l’état de santé de l’animal s’est de nouveau dégradé. Un second examen tomodensitométrique révèle une aggravation des lésions osseuses secondaires : hyperostose de la paroi du sinus frontal et ostéolyse partielle de la lame criblée de l’ethmoïde, sans atteinte décelable de l’encéphale.

L’examen rhinoscopique objective l’extension des placards fongiques à la cavité nasale droite malgré les 2 traitements précédents.

Dans les jours suivants, des crises convulsives sont rapportées par les propriétaires.

L’hypothèse d’une diffusion des antifongiques ou du matériel septique vers l’encéphale à la suite de l’atteinte de la lame criblée est émise.
Un nouvel examen tomodensitométrique est proposé, mais refusé par les propriétaires. La décision d’euthanasie est prise.

Discussion

Épidémiologie

L’aspergillose naso-sinusale représente 7 à 34 % des rhinites chroniques. L’agent étiologique le plus souvent identifié est Aspergillus fumigatus.
Aucune race n’est prédisposée, mais des facteurs favorisants sont décrits (traumatisme, corps étranger, carcinome, pathologie dentaire, etc.) et une dysfonction immunitaire locale est suspectée (bien que la plupart des chiens ne soient ni immunodéprimés, ni diabétiques, ni atteints d’hyperadrénocorticisme).

Symptômes

Le chien présente un jetage mucopurulent à purulent profus fréquemment associé à une épistaxis. Des éternuements ou du reverse sneezing sont rapportés et une décoloration/hyperkératose de la truffe secondaire est parfois visible. En cas d’atteinte de la lame criblée de l’ethmoïde, l’animal peut présenter des signes neurologiques (altération de la conscience, convulsions, etc.).

Diagnostic

Le diagnostic de certitude est difficile à établir. Aucun examen complémentaire n’est sensible à 100 %. L’aspergillose naso-sinusale est confirmée lorsqu’au moins 3 des 4 critères ci-dessous sont observés :

  • des images radiographiques, tomodensitométriques ou en résonance magnétique compatibles;
  • l’observation de placards fongiques à l’examen rhinoscopique;
  • l’identification d’Aspergillus en cytologie, en histologie ou lors d’une mise en culture;
  • une sérologie positive.

Ces examens doivent être réalisés dans un ordre précis : la radiographie, l’imagerie par résonance magnétique ou l’examen tomodensitométrique précèdent la rhinoscopie, responsable d’hémorragies altérant l’interprétation des images.

Traitement

Les thérapeutiques décrites sont les suivantes :

  • Les traitements systémiques.
    À base de thiabendazole, de kétoconazole, d’itraconazole ou de fluconazole, ils nécessitent des durées d’administration longues entraînant parfois des effets indésirables (hépatotoxicité, vomissements, anorexie).
  • Les traitements topiques.
    Différentes stratégies sont proposées :

     

    • la balnéation seule.
      Réalisée avec une solution de clotrimazole ou d’énilconazole à 1 ou 2 %, elle dure 1 heure selon un mode d’instillation non invasif (via des cathéters placés dans les narines) ou mini-invasif (par la trépanation des sinus frontaux);
    • la pose de pommade sans balnéation.
      À base de clotrimazole (ou bifonazole) à 1 %, elle est appliquée après la trépanation des sinus frontaux. Elle est utilisée lors d’atteinte modérée ;
    • l’association de la balnéation et de la pommade.
      Dans ce cas, la balnéation peut être courte (5 minutes) ou longue (1 heure). Les modalités d’instillation sont les mêmes que pour la balnéation ou l’application de pommade seules;
    • le débridement/nettoyage extensif.
      Préalable à la balnéation, il semble en améliorer l’efficacité. Toutefois, sa mise en place requiert un matériel spécifique et peut prendre de 30 minutes à plus de 2 heures.

La présence ou l’absence de signes cliniques ne préjuge pas de la guérison du chien.

L’examen de contrôle recommandé est la rhinoscopie, à laquelle est toujours associée une nouvelle balnéation.

Les thérapies systémiques ont un taux de succès qui n’excède pas les 50 %. En revanche, les taux de guérisons sont proches de 60 % à la première administration d’une prise en charge topique. Avec des traitements répétés, ils peuvent atteindre 70 %.

L’aspergillose nasosinusale canine constitue donc un challenge dont le pronostic est réservé, quel que soit l’arsenal thérapeutique déployé.

 

Bibliographie

Retrouvez la bibliographie de cet article sur le site WK-Vet.fr
http://www.wk-vet.fr/mybdd/?visu=164&article=164_3767