L’intérêt des marqueurs biologiques en cardiologie : le NT-proBNP et la Troponine I
marqueurs biologiques
Résumé
- Actuellement, les deux marqueurs les plus intéressants en cardiologie vétérinaire chez le Chien et chez le Chat sont le NTproBNP et la Troponine I. Le choix d’un marqueur est rigoureux et motivé par des critères cliniques précis, mais également par sa facilité de dosage et la garantie de sa validation analytique pour l’espèce étudiée.
- Les informations fournies par le dosage d’un marqueur cardiaque sont toujours confrontées aux données cliniques.
Auteur : Dr. E. Bomassi 01-01-2009 Centre Hospitalier Vétérinaire des Cordeliers, 29 avenue du Maréchal Joffre, 77100 Meaux. E-mail : ebomassi@chvcordeliers.com Mots clefs : Cet article a été publié dans : PratiqueVet (2009) 44 : p 647-649
L’intérêt des marqueurs biologiques en cardiologie : le NT-proBNP et la Troponine I
Ces dernières années, la recherche clinique en biologie vétérinaire s’est considérablement intéressée aux marqueurs cardiaques.
Le dosage sanguin de nombreuses molécules devient désormais possible pour le diagnostic, le pronostic, le suivi et l’aide au traitement des principales cardiopathies du Chien et du Chat.
Objectifs pédagogiques
Connaître les marqueurs biologiques NT-proBNP et Troponine I en cardiologie vétérinaire. Savoir exploiter ces connaissances pour envisager une utilisation pratique de ces marqueurs en clientèle courante.
Qu’est-ce qu’un marqueur ?
Un marqueur est une “substance dont le dosage permet d’explorer une affection spécifique” [1]. Un marqueur cardiaque est donc une substance dont le dosage permet l’exploration spécifique d’une affection cardiaque.
Les marqueurs “cardiaques” possibles chez le Chien et le Chat sont nombreux :
Les enzymes cardiaques
- La créatine-kinase dans sa fraction MB ;
- Les Troponines I, T, C (cTnI-T-C) [2] ;
- Les autres enzymes : LDH,…
- Les enzymes cardiaques sont révélatrices d’une altération cellulaire myocardique, quelle qu’elle soit : nécrose, hypoxie, remodelage, infection,…
Les peptides cardiaques
- L’ANP ou “Atrial Natriuretic Peptide”, ou Peptide Atrial Natriurétique, peptide secrété à l’étage atrial du coeur [3] ;
- Le BNP ou “Brain Natriuretic Peptide”, ou Peptide Ventriculaire Natriurétique, peptide secrété à l’étage ventriculaire ;
- Tous les précurseurs des peptides précédents [4] : proANP, proBNP, NT-proBNP,…
Les peptides cardiaques sont révélateurs d’un “stress” myocardique, en particulier présent lors d’hypertrophie myocardique ou de dilatations cavitaires.
Les neurohormones
- L’endothéline-1 ;
- Les catécholamines,…
Autres marqueurs [5-7]
- Le TNF-α,…
Actuellement, deux marqueurs, le NT-pro-BNP et la Troponine I, semblent se distinguer des autres dans leur utilisation clinique pratique actuelle et future. La suite de cet article détaille donc exclusivement les données sur ces deux marqueurs.
Quelle est l’utilisation clinique du dosage du NT-proBNP ?
Diagnostic des cardiopathies chez le Chat
Le dosage du NT-proBNP établit chez le Chat la différence entre animaux sains et animaux cardiopathes sans insuffisance cardiaque, s’agissant des cardiopathies les plus fréquentes dans cette espèce (cardiomyopathies).
La valeur de 49 pmol/L est discriminante, avec une sensibilité* de 100 % et une spécificité** de 89 % [8].
_______________________ * La sensibilité (Se) d’un test biologique correspond au pourcentage de positifs chez les malades. Cela signifie qu’un test biologique qui fournit une sensibilité de 90 % permet de diagnostiquer 90 % des animaux malades. Il n’y a alors que 10 % de faux-négatifs (négatifs au test, mais malades tout de même). ** La spécificité (Sp) d’un test correspond au pourcentage de négatifs chez les non-malades. Cela signifie qu’un test biologique qui fournit une spécificité de 90 % permet de diagnostiquer 89 % des animaux non-malades. Il n’y a alors que 11 % de faux-positifs (positifs au test mais non malades tout de même).
Diagnostic différentiel maladie cardiaque/maladie respiratoire chez le Chat
Le dosage du NT-proBNP permet une bonne discrimination des chats présentant une dyspnée aiguë d’origine cardiaque de ceux présentant les mêmes symptômes mais d’origine respiratoire pure.
La valeur de 180 pmol/L est discriminante, avec une sensibilité de 94 % et une spécificité de 86 % [9].
Diagnostic des cardiopathies chez le Chien
Le dosage du NT-proBNP établit chez le Chien le diagnostic entra animaux sains et animaux cardiopathes (maladie valvulaire mitrale ou cardiomyopathie dilatée).
La valeur de 445 pmol/L est discriminante avec une sensibilité de 83 % et une spécificité de 90 %.
Par ailleurs, la valeur du NT-proBNP augmente avec la sévérité de l’insuffisance cardiaque (stades NYHA).
Une valeur supérieure à 1725 pmol/L établit la présence d’une insuffisance cardiaque avec une sensibilité de 88 % et une spécificité de 77 % [10].
Diagnostic différentiel maladie cardiaque/maladie respiratoire chez le Chien
Le dosage du NT-proBNP permet une bonne discrimination des chiens présentant une cardiopathie, avec ou sans insuffisance cardiaque, de ceux présentant une pneumopathie pure, avec une valeur discriminante de 210 pmol/L qui présente une sensibilité de 85 % et une spécificité de 82 % [11].
Quelle est l’utilisation clinique du dosage de la Troponine I ?
Diagnostic d’une insuffisance cardiaque chez le Chien
La Troponine I permet de déterminer la présence d’une insuffisance cardiaque, quelle que soit la cardiopathie (congénitale, maladie valvulaire mitrale ou cardiomyopathie dilatée).
Une valeur de 0,095 ng/mL présente une sensibilité de 96 % et une spécificité de 88 % pour le diagnostic d’une insuffisance cardiaque de stade II ou supérieur, et une sensibilité de 100 % et une spécificité de 65 % pour le diagnostic d’une insuffisance cardiaque de stade IIIa (classification ISACHC) [12].
Pronostic des cardiomyopathies dilatées chez le Chien
La Troponine I permet une évaluation pronostique de l’évolution des cardiomyopathies dilatées, formes classiques dans cette espèce.
Une valeur inférieure à 0,2 ng/mL correspond à une médiane de survie de 357 jours contre 112 jours pour une valeur supérieure à 0,2 ng/mL [13].
Concernant les formes raciales, et en particulier la forme arythmogène droite du Boxer, les valeurs de Troponine I sont corrélées au nombre d’ectopies ventriculaire sur 24 heures et à l’importance de l’arythmie [14].
Mise au point et nouveautés diagnostiques
Pronostic de la maladie valvulaire mitrale chez le Chien
De même que lors de cardiomyopathie dilatée, la Troponine I permet d’évaluer le pronostic des chiens présentant une maladie valvulaire mitrale.
Une valeur usuelle ou non dosable de Troponine I établit une espérance de vie médiane de 390 jours (intervalle de 20 à 912 jours) contre 67,5 jours (intervalle de 1 à 390 jours) chez les chiens dont la Troponine I est dosable et élevée [15].
Diagnostic étiologique des épanchements péricardiques
Chez le Chien, une valeur de Troponine I supérieure à 0,1 ng/mL indique que l’épanchement est d’origine tumorale, alors qu’une valeur inférieure à 0,1 ng/mL indique la présence d’un épanchement non-tumoral [16].
Diagnostic des cardiomyopathies hypertrophiques chez le Chat
Dans cette espèce, la Troponine I permet le diagnostic d’une cardiomyopathie hypertrophique.
Une valeur de médiane de 0,66 ng/mL est présente chez les animaux cardiomyopathes et fournit une sensibilité de 85 % et une spécificité de 97 % pour ce diagnostic [17].
Par ailleurs, les taux de cet enzyme sont corrélés à l’importance des modifications anatomiques cardiaques observées (épaisseurs diastoliques pariétales) [18].
Intérêts lors de pathologie non-cardiaque
Lors de piroplasmose [18] ou d’ehrlichiose [19], une élévation de la Troponine I est révélatrice de la présence d’une myocardite secondaire, et ses valeurs sont bien corrélées à l’importance de la myocardite.
Lors de syndrome dilatation-torsion de l’estomac, l’élévation des valeurs de Troponine I est corrélée à l’importance des anomalies électrocardiographiques observées [20].
Conclusion
Les deux marqueurs présentés dans cet article, le NT-proBNP et la Troponine I, fournissent les informations cliniques les plus pertinentes sur le plus grand nombre de cardiopathies du Chien et du Chat, et lors des diagnostics différentiels entre maladie cardiaque et maladie respiratoire (Tableaux 1 et 2).
De nombreux autres résultats majeurs sont attendus dans ces cardiopathies afin de préciser leurs indications et leurs utilisations, en particulier lors de suivis de traitements.
Points forts
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À lire…1. Garnier M et coll (1992). Dictionnaire des termes de médecine. 23ème Ed, Maloine, Paris. 1058p. 2. Rishniw M et coll (2004). Cloning and sequencing of the canine and feline cardiac troponin I genes. Am J Vet Research 65 : 53-8. Erratum in : Am J Vet Res (2004). 65 : 343. 3. Biondo WA et coll (2002). Genomic Sequence and Cardiac Expression of Atrial Natriuretic Peptide in Cats. Am J Vet Res 63 : 236-40. 4. Boswood A et coll (2003). Clinical validation of a proANP 31-67 fragment ELISA in the diagnosis of heart failure in the dog. J Small Anim Pract 44 : 104-8. 5. Meurs KM et coll (2002). Plasma concentrations of tumor necrosis factor-alpha in cats with congestive heart failure. Am J Vet Res 63 : 640-2. 6. Pedersen HD et coll (2005). Circulating concentrations of insulin-like growth factor-1 in dogs with naturally occurring mitral regurgitation. J Vet Intern Med 19 : 528-32. 7. Freeman LM et coll (2005). Antioxidant status and biomarkers of oxidative stress in dogs with congestive heart failure. J Vet Intern Med 19 : 537-41. 8. Connolly DJ et coll (2008). Circulating natriuretic peptides in cats with heart disease. J Vet Intern Med 22 : 96-105. 9. Fox PR et coll (2008). Comparison of NT-pro-BNP Concentration in Cats with Acute Dyspnea From Cardiac or Respiratory Disease. Proceeding ACVIM Forum, San Antonio, Texas. 10. Oyama MA et coll (2008). Clinical utility of serum N-terminal pro-B-type natriuretic peptide concentration for identifying cardiac disease in dogs and assessing disease severity. J Am Vet Med Assoc 232 : 1496-503. 11. Boswood A et coll (2008). The diagnostic accuracy of different natriuretic peptides in the investigation of canine cardiac disease. J Small Anim Pract 49 : 26-32. 12. Spratt DP et coll (2005). Cardiac troponin I : evaluation I of a biomarker for the diagnosis of heart disease in the dog. J Small Anim Pract 46 : 139-45. 13. Oyama MA ET Sisson DD (2004). Cardiac troponin-I concentration in dogs with cardiac disease. J Vet Intern Med 18 : 831-9. 14. Baumwart RD et coll (2007). Evaluation of serum cardiac troponin I concentration in Boxers with arrhythmogenic right ventricular cardiomyopathy. Am J Vet Res 68 : 524-8. 15. Linklater AKJ et coll (2007). Serum concentrations of cardiac troponin I and cardiac troponin T in dogs with class IV congestive heart failure due to mitral valve disease. J Vet Emerg and Critical Care 17 : 243-9. 16. Shaw SP et coll (2004). Cardiac troponins I and T in dogs with pericardial effusion. J Vet Intern Med 18 : 322-4. 17. Herndon WE et coll (2002). Cardiac troponin I in feline hypertrophic cardiomyopathy. J Vet Intern Med 16 : 558-64. 18. Lobetti R et coll (2002). Cardiac Troponin in Canine Babesiosis. J Vet Intern Med 16 : 63-8. 19. Diniz PP et coll (2008). Serum cardiac troponin I concentration in dogs with ehrlichiosis. J Vet Intern Med 22 : 1136-43. 20. Schober KE et coll (2002). Serum cardiac troponin I and cardiac troponin T concentrations in dogs with gastric dilatation-volvulus. J Am Vet Med Assoc 221 : 381-8. |