Masse dans le médiastin crânial
Sommaire
- Le diagnostic différentiel des masses médiastinales est parfois difficile comme en témoigne le cas présenté ici.
- La distinction, notamment, entre thymome et lymphome thymique, peut être ardue, même avec des examens d’imagerie poussés.
- Nous avons opté pour une exérèse chirurgicale de ce qui s’est révélé être un lymphome thymique.
Auteur : Dr. S. Etchepareborde 19-06-2013
Centre Hospitalier Vétérinaire des Cordeliers, 29 avenue du Maréchal Joffre, 77100 Meaux.
E-mail : setchepareborde@chvcordeliers.com
Cet article a été publié dans : L’Essentiel (2013) : p 161-163
Masse dans le médiastin crânial
Anamnèse
Un basset de 5 ans est référé pour exploration d’une hypercalcémie et d’une polyglobulinémie.
Imagerie
Lors de sa présentation, le chien est alerte. L’examen général est normal. Dans un premier temps, une échographie abdominale est réalisée et ne montre aucune anomalie.
Puis les radiographies thoraciques montrent une importante masse tissulaire dans le médiastin crânial crânial au cœur sur la vue latérale et s’étendant jusqu’à la gauche du cœur sur la vue ventrodorsale.
Il n’y a pas de signe de lymphadenopathie trachéobronchique. Ces images sont compatibles avec une masse thymique.
Le diagnostic différentiel comprend le thymome, le lymphome thymique, un kyste médiastinal (thyroglosse, branchial, lymphatique, bronchogénique, thymique) ou une hémorragie dans le médiastin crânial.
Une échographie de la masse est réalisée et montre une masse légèrement hyperéchogénique avec quelques cavités. Peu de vascularisations sont vues dans la masse.
Une cytoponction est réalisée et montre de nombreux lymphocytes et quelques rares cellules épithéliales. À ce stade, le thymome et le lymphome thymique restent dans le diagnostic différentiel mais il n’est toujours pas possible de faire la différence entre les deux.
Photo 1 - Vue thoracique de profil
On note l’augmentation de densité en avant du coeur dans le médiastin crânial.
À cause de la masse on ne peut pas discerner s’il y a une augmentation du nœud lymphatique sternal.
Photo 2 - Vue ventrodorsale du thorax
On distingue que la masse s’étend sur la gauche du coeur.
Photo 3 - Échographie
À l’échographie, la masse présente quelques cavités kystiques bien que le reste du parenchyme soit assez homogène.
Photo 4 - Examen tomodensitométrique, coupe transversale
La masse n’envahit pas les vaisseaux mais semble les repousser uniquement.
Photo 5
On distingue nettement l’artère thoracique interne gauche prise dans la masse.
Un scanner est réalisé pour déterminer le caractère envahissant ou non de la masse. La masse fait 9 cm de diamètre.
Les vaisseaux sanguins dans le médiastin crânial (veine cave crâniale, carotides communes) semblent être repoussés
par la masse mais pas envahis. L’artère et veine thoracique interne gauche passent à travers la masse.
Aucune lymphadenopathie n’est visible. Il n’y a pas de métastases pulmonaires visibles.
Diagnostic différentiel
La différenciation entre thymome et lymphome thymique à ce stade est importante puisque le premier est une indication chirurgicale et le second est traité par chimiothérapie.
L’hypercalcémie et la cytoponction orientent vers un lymphome thymique.
L’échogénicité et l’abscence de lymphadénopathie généralisée orientent plutôt vers un thymome.
Deux solutions ont été proposées pour avancer dans le diagnostic :
- une biopsie de la masse avec une immunohistochimie
- un essai chimiothérapeutique pour évaluer la réponse de la tumeur.
En effet, les lymphomes thymiques régressent quasi complètement après 10 à 14 jours de chimiothérapie contrairement aux thymomes.
Compte tenu du caractère peu invasif de la masse, les propriétaires ont préféré une exérèse chirurgicale avant l’analyse histopathologique.
Traitement chirurgical
Photo 6 - Vue thoracoscopique
L’animal est sur le dos.
On distingue du poumon sur la gauche.
Du sternum (en haut) par le médiastin cranial dans lequel se situe la masse
Photo 7
La pince Ligasure® permet de coaguler les tissus et de les couper
Photo 8
Une scie oscillante est utilisée pour couper le sternum en deux dans le sens de la longueur (ici vue depuis le thorax).
Photo 9
Photo 10
Pince Ligasure® atlas (à gauche) utilisée pour la ligafusion par une approche ouverte du thorax ou de l’abdomen et pour l’endoscopie (à droite). Dans les mors de la pince qui coagule, une lame circule permettant de couper les tissus.
Le chien a été placé en décubitus dorsal. Une approche thoracoscopique a été commencée. La masse a été libérée de ses attaches médiastinale ventrale et caudale à l’aide d’une pince à ligafusion (Ligasure®).
Bien que la masse ne soit effectivement pas invasive dans les vaisseaux sanguins, le risque de percer la capsule en manipulant la masse afin de disséquer les attaches dorsales était trop grand et la chirurgie a été convertie.
Une sternotomie a été réalisée et la dissection a été terminée au Ligasure®. Un drain thoracique a été mis en place et la sternotomie a été refermée avec du PDS placé en 8 autour des synchondroses sternales. Le drain a pu être enlevé après 72 heures.
L’analyse histopathologique de la masse est en faveur d’un lymphome thymique à malignité de haut grade. Le chien a donc poursuivi son traitement par chimiothérapie.
Discussion
Le principal diagnostic différentiel du lymphome thymique est le thymome. Faire une différence certaine entre les deux n’est pas évident : l’immunohistochimie sur biopsie et la réponse à la chimiothérapie peuvent aider. Ces masses se manifestent souvent par des troubles respiratoires ou un syndrome de la veine cave crâniale (œdème de la face, du cou et des membres antérieurs). Parfois, comme dans notre cas les syndromes paranéoplasiques sont des signes d’appel. En effet dans 40 % des cas de thymome une myasthenia gravis est présente (faiblesses musculaires, megaoesophage). L’hypercalcémie est possible mais rare dans les cas de thymomes et est plus fréquente dans les cas de lymphomes thymiques (25 à 50 % des cas).
Contrairement au thymome, le lymphome thymique est vu chez le jeune chat (2 ans en moyenne) FeLV positif (80 % des cas). Chez le chien il est souvent associé à une lymphadénopathie généralisée. La cytoponction est souvent décevante. Même dans les cas de thymomes, les lymphocytes représentent la population majoritaire. Dans les cas de thymome, les mastocytes sont communs et on peut voir quelques cellules épithéliales. À l’échographie, les lymphomes ont un parenchyme plus homogène comparé aux images kystiques des thymomes. Le principal intérêt du scanner réside dans l’évaluation de l’extension de la tumeur ainsi que l’examen du parenchyme pulmonaire à la recherche de métastases.
Le pronostic pour les lymphomes thymiques est celui des lymphomes. Le pronostic pour les thymomes après exérèse chirurgicale est bon avec des moyennes de survie de plus de 2 ans chez le chien à plus de 5 ans chez le chat. Le pourcentage de lymphocytes dans la composition du thymome a été décrit comme facteur pronostique. En ce qui concerne le chien de cet article, nous sommes maintenant un an après la chirurgie et il se porte toujours bien.
Bibliographie
|