Paralysie du larynx
Sommaire
- La paralysie laryngée est une affection fréquente des voies respiratoires hautes liée à un mauvais fonctionnement du nerf laryngé récurent, responsable en temps normal de l’abduction des cartilages aryténoïdes via l’action des muscles cricoarythénoïdiens dorsaux (figure 1 et schéma A). Il s’agit dans la plupart des cas d’une affection du chien âgé survenant dans un contexte de polyneuropathie.
Auteur :Dr. S. Etchépareborde 25-05-2012
Centre Hospitalier Vétérinaire des Cordeliers, 29 avenue du Maréchal Joffre, 77100 Meaux.
E-mail : setchepareborde@chvcordeliers.com
Cet article a été publié dans : PratiqueVet (2013) 4 : p 0-4
Paralysie du larynx
Diagnostic et conduite à tenir
Bien qu’une forme congénitale ait été décrite dans plusieurs races (bouvier des Flandres, husky, berger allemand, Dalmatien, rottweiler, bull terrier et récemment montagne des Pyrénées), la paralysie laryngée est la plupart du temps une affection acquise. Si dans de rares cas une cause peut être mise en avant (polyneuropathie, myopathie ou trauma du nerf récurrent laryngé), la grande majorité des cas est idiopathique. Bien que la paralysie laryngée ait été décrite chez des chiens atteints d’hypothyroidie, l’association entre les deux conditions n’est pas démontrée. La paralysie laryngée acquise est principalement rencontrée chez des animaux d’âge moyen à âgés sur des races de grandes tailles (le Labrador en tête).
La paralysie du larynx entraîne un défaut d’abduction du cartilage aryténoïde du larynx augmentant ainsi la résistance du passage de l’air lors de l’inspiration. Les signes cliniques commencent par un changement de voix, une respiration plus bruyante et une intolérance à l’effort.
Lorsque la maladie est plus avancée les chiens peuvent développer une grave dyspnée, de la cyanose voire des syncopes. La malfonction du larynx peut entraîner des fausses déglutitions et cela explique pourquoi les animaux atteints d’une paralysie du larynx peuvent être présentés avec de la toux. Pour les raisons expliquées ci dessous, ces chiens peuvent aussi présenter des régurgitations, souvent prises à tort pour des vomissements par les propriétaires.
Syndrome de paralysie laryngée et polyneuropathie de l’animal âgé
De récentes études montrent que la paralysie du larynx acquise idiopathique fait en réalité partie d’un syndrome de neuropathie plus large 4,5. Des œsophagogrammes ont permis de quantifier la motilité de l’œsophage. Les chiens atteints de paralysie laryngée avaient lors de leur présentation une motilité de l’œsophage significativement altérée comparés à des chiens normaux. Certains points laissent même à penser que la motilité de l’œsophage pourrait survenir avant la paralysie laryngée.
Toujours dans cette même étude, tous les chiens atteints de paralysie laryngée ont développé, dans l’année qui a suivi le diagnostic, des symptômes nerveux plus ou moins importants (faiblesse musculaire, ataxie,…). On parle donc désormais de syndrome de paralysie laryngée et polyneuropathie de l’animal âgé (GOLPP en anglais : Geriatric Onset Laryngeal Paralysis and Polyneuropathy).
Ceci explique les régurgitations chez les chiens atteints de paralysie du larynx qui aggravent le risque de fausses déglutitions. Il faudra en tenir compte lors du traitement médical ou après la chirurgie en élevant la gamelle de nourriture comme on le fait pour les mégaœsophages par exemple.
Diagnostic
L’examen d’un animal suspecté de paralysie laryngé doit comporter, en plus de l’examen général, un examen neurologique complet pour écarter toutes autres causes d’intolérance à l’effort et un examen radiographique des poumons à la recherche d’une éventuelle pneumonie ou d’un œdème pulmonaire non-cardiogénique lié à l’obstruction des voies respiratoires hautes.
Le diagnostic de paralysie laryngée est posé par une observation directe de l’absence de mobilité des cartilages aryténoïdes du larynx. De nombreux débats existent quant à la meilleure façon de réaliser cet examen tant au niveau du protocole anesthésique que de la méthode de visualisation.
De nombreux protocoles ont été décrits afin de diminuer le moins possible la mobilité du larynx et ainsi éviter les faux positifs. Le thiopental (12-16 mg / kg IV) utilisé seul semble donner de meilleurs résultats que le propofol (5-7 mg / kg IV) utilisé seul. Un autre protocole adéquat est l’association d’acépromazine (0,2 mg / kg IV) et de butorphanol (0,4 mg / kg) 20 minutes avant une induction par isoflurane au masque. Du doxapram (1 mg / kg) peut être injecté pour stimuler la respiration si un doute subsiste. Dans tous les cas, l’animal doit être préalablement oxygéné pendant quelques minutes.
Une méthode simple de visualiser le larynx est l’utilisation d’un laryngoscope. Cependant la rétraction de la langue et la pression sur l’épiglotte peuvent interférer avec la mobilité du larynx. L’utilisation d’un vidéoendoscope transoral permet d’éviter ce problème et est aujourd’hui la meilleure solution pour diagnostiquer la paralysie du larynx. L’utilisation de l’échographie ou d’un vidéoendoscope transnasal est associée avec un diagnostic moins sûr.
Traitement médical
Chez les chiens les moins gravement atteints et asymptomatiques au repos un traitement conservateur peut être mis en place. Ce sont les mêmes recommandations que pour traiter conservativement d’autres affections des voies respiratoires hautes (syndrome brachycéphale par exemple) :
- éviter le stress et l’excitation ainsi que les hautes températures,
- encourager la perte de poids et favoriser l’utilisation
- du harnais plutôt que du collier.
Les propriétaires doivent cependant être prévenus que la paralysie laryngée est en général progressive et que les symptômes vont s’aggraver avec le temps.
Lorsqu’un animal est vu en urgence pour détresse respiratoire, il doit d’abord être placé sous oxygène puis une voie veineuse doit être mise en place. Si l’animal est stressé il peut être calmé avec de l’acepromazine ± du butorphanol. Sa température doit être monitorée car les animaux souffrant d’affections des voies respiratoires hautes présentent fréquemment une hyperthermie. Si la température est supérieure à 41°C, cette dernière est diminuée à l’aide d’une douche froide et de liquide de perfusion froid. Si un œdème du larynx est suspecté, l’inflammation peut être diminuée par l’administration de dexamethasone ou prednisolone IV (figure 2).
Traitement chirurgical
De nombreuses techniques ont été décrites : latéralisation cricoaryténoïde unilatérale ou bilatérale, ventriculocordectomie, arythenoïdectomie partielle, laryngofissure crénelée modifiée et plus récement placement d’un stent bilatéral dans les aryténoïdes. Aucune de ces techniques n’est parfaite.
En effet toutes ces procédures apportent une solution statique à un problème dynamique. En conséquence l’ouverture du larynx doit tenir compte d’un côté d’une ouverture optimale pour améliorer la respiration et provoquer d’autre part une déformation minimale du larynx car plus la déformation est importante, plus le risque de fausse déglutition est élevé.
La technique de choix pour le moment est la latéralisation cricoaryténoïde unilatérale 3. La chirurgie consiste en un abord latéral du larynx afin de désarticuler l’articulation cricoarythénoïdienne. Un suture irrésorbable est alors placée dans la facette articulaire de l’aryténoïde puis dans le cartilage cricoïde. La suture est alors serrée modestement afin d’ouvrir le larynx sans trop le déformer. Il a été prouvé que serrer trop fort la suture n’améliore pas le passage de l’air mais augmente nettement l’ouverture autour de l’épiglotte favorisant ainsi les fausses déglutitions 2. La tension peut être contrôlée en directe durant la procédure grâce à un vidéoendoscope (figure 3).
Le risque d’aspiration après la chirurgie est d’environ 20%
Les dernières recherches se portent sur l’utilisation d’un stent placé simultanément dans les cartilages arythénoïdes (figure 1) 1. Le stent est un fin tube de nitinol en forme de « V » renversé. Ce matériau a la propriété d’avoir une excellente mémoire de forme. Cette technique permettrait d’ouvrir le larynx tout en entrainant une déformation minimale de ce dernier. En conséquence, le risque d’aspiration pourrait être diminué comparé aux techniques traditionnelles.
Des études cliniques sont encore nécessaires pour évaluer ce point.
Il faut moduler le pourcentage important de fausses déglutitions (jusqu’à 33% pour certaines techniques) avec le fait qu’une grande partie de celles ci sont « récupérées » grâce au réflexe de toux toujours présent. Néanmoins, dans certains cas celles ci peuvent déboucher sur une pneumonie qui peut parfois nécessiter une hospitalisation pour être traitée dans les cas les plus graves.
Malgré cela, plus de 90 % des chiens ont une récupération bonne à excellente et la moyenne de survie va de 1 à 5 ans ce qui pour des grands chiens déjà âgés lors du diagnostic signifie qu’ils meurent d’une autre cause. Seulement 14% des chiens opérés meurent d’une cause liée au trouble respiratoire. La plupart des propriétaires sont très satisfaits de la chirurgie : l’amélioration des signes cliniques est en effet visible dès le réveil de la chirurgie.
La paralysie laryngée est donc une affection relativement fréquente des voies respiratoires hautes chez le chien de grande race âgé. Elle est associée à une polyneuropathie généralisée chez la majeure partie des individus. La chirurgie est le traitement de choix et la latéralisation cricoarythénoïdienne unilatérale est la technique privilégiée à ce jour. Les signes cliniques respiratoires sont nettement améliorés après la chirurgie ; cependant le taux de complications peut être élevé et les patients restent à vie à risque de développer des problèmes respiratoires secondaires liés à de fausses déglutitions.
Bibliographie
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