Quel est votre diagnostic ?

Sommaire

  • La présentation d’un chien avec une dyspnée restrictive est peu spécifique.
  • La radiographie permet d’identifier la ou les structures atteintes, mais les examens complémentaires comme la fibroscopie, l’échographie, le lavage broncho-alvéolaire ou encore la biopsie trouvent alors toute leur place et permettent souvent d’identifier la nature de l’affection.

Auteurs : Drs. C. Bille et É. Bomassi 16-06-2008
Centre Hospitalier Vétérinaire des Cordeliers, 
29 avenue du Maréchal Joffre, 77100 Meaux.
E-mail : cbille@chvcordeliers.com
Mots clefs :
Cet article a été publié dans : PratiqueVet (2008) 43 316-318


Objectifs pédagogiques

Choisir, en les hiérarchisant, les examens complémentaires qui permettront d’explorer une dyspnée restrictive.

Crédit de formation continue

La lecture de cet article ouvre droit à 0,05 CFC. La déclaration de lecture, individuelle et volontaire, est à effectuer auprès du CNVFCC. 


Quel est votre diagnostic ?

Photo 1. Radiographie initiale de face du thorax. Densification mixte alvéolaire et interstitielle de la partie cranio-médiale du lobe caudal droit.

1 – Réaliser un examen clinique rigoureux

Une chienne Drathaar, âgée de 10 ans, est présentée à la consultation pour une toux évoluant depuis 10 jours.

La toux est apparue après une partie de chasse. Elle est de forte intensité, quinteuse et productive. Elle n’évolue pas depuis qu’elle est apparue. Elle n’est pas favorisée par une activité ou une position particulière.

La chienne est régulièrement suivie par son vétérinaire traitant. Elle est vaccinée et vermifugée.

L’état général de l’animal est satisfaisant.

L’auscultation pulmonaire permet de mettre en évidence des crépitements, en fi n d’inspiration, en regard des lobes moyen et caudal droit.

Le reste de l’examen clinique ne montre aucune particularité.

La chienne présente une dyspnée restrictive associée à des bruits surajoutés, en regard des lobes moyen et caudal droit, en fin d’inspiration. Elle est associée à une toux productive de faible intensité.

Cette présentation clinique est compatible avec une atteinte de la cage thoracique, du diaphragme, de l’espace pleural et/ou du parenchyme pulmonaire.

Photo 2. Radiographie de contrôle de face du thorax. Extension de la lésion pulmonaire au lobe moyen et à l’espace pleural. Noter la scissure interlobaire. Flèches jaunes pour la scissure interlobaire et blanches pour la lésion pulmonaire (décrites dans le texte).

2 – Effectuer des examens complémentaires

D’abord réaliser des radiographies

Des radiographies thoraciques (Photo 1) montrent une densification mixte, alvéolaire et interstitielle, de la partie craniomédiale du parenchyme pulmonaire du lobe caudal droit. L’ensemble du parenchyme pulmonaire présente une densification bronchique.

La lésion alvéolaire est compatible avec une atteinte infectieuse (bactérienne, virale, fongique, parasitaire), tumorale (primaire ou secondaire), toxique (fausse déglutition), vasculaire (thrombo-embolie, torsion de lobe) ou par inhalation d’un corps étranger.

La lésion bronchique est compatible avec l’âge de l’animal.

Une antibiothérapie large spectre est mise en place.
De la céfalexine 15 mg/kg est administrée matin et soir par voie orale.

La chienne est revue après 1 semaine de traitement. L’état clinique est identique.

Les radiographies thoraciques (Photo 2) montrent une extension de la lésion mixte, alvéolaire et interstitielle, aux parenchymes pulmonaires du lobe caudal droit et de la partie médiale du lobe moyen.
Elle est associée à une lésion pleurale.
Une scissure interlobaire est visible entre le lobe moyen et le lobe crânial droit signalant un épanchement.

L’affection ne répond pas à l’antibiothérapie. Elle s’est étendue au lobe moyen et aux plèvres.

La fibroscopie est toujours utile

Une fibroscopie de l’arbre respiratoire est réalisée afin d’explorer les hypothèses infectieuse et toxique. Elle pourrait aussi permettre de visualiser un corps étranger (Photo 3).

Photo 3. Extraction du corps étranger lors de la fibroscopie.

Un liquide suppuré est présent dans les lumières des bronches caudale droite et moyenne.
Un corps étranger végétal de 3 cm de long est retiré d’une bronche du lobe caudal droit (Photo 4).

Photo 4. Corps étranger végétal.

Un lavage broncho-alvéolaire est réalisé.
L’analyse cytologique du liquide de lavage est compatible avec un phénomène inflammatoire.
Aucune atypie cellulaire n’est mise en évidence.

La mise en culture du liquide de lavage met en évidence la présence d’un pseudomonas résistant à la céfalexine. Le germe est sensible aux quinolones.

3 – Le diagnostic est…

Le diagnostic est celui d’une dyspnée restrictive due à la présence d’un corps étranger végétal en position bronchique.

4 – Le traitement est…

Une antibiothérapie, l’enrofloxacine, à la dose de 5 mg/kg, est administrée 1 fois par jour pendant 3 semaines.

La chienne est revue en fin de traitement.
Son état général est satisfaisant.
Elle ne tousse plus depuis le lendemain de la fibroscopie.
Aucun bruit surajouté n’est audible à l’auscultation.

Discussion

Une cause rare de dyspnée

La présence d’un corps étranger dans la lumière bronchique est une affection relativement rare chez le Chien. D’après trois études à grande échelle sur les affections de l’appareil respiratoire profond, les corps étrangers représentent de 3 à 13 % des diagnostics 1-3.

Des corps étrangers de nature variée

La nature des objets retirés de la lumière bronchique est variable. Si les épillets représentent la majorité, des branches, des griffes, des os, des dents, une balle de revolver, des morceaux de plastique ou des trichobézoars peuvent être retrouvés dans les voies respiratoires 2-9.

Des circonstances d’apparition évocatrices

Il semble que les jeunes adultes de grande taille soient les plus atteints 2,4,7. Il s’agit majoritairement de chiens de travail et/ou de chasse qui exercent une activité intense dans la nature au cours de la saison sèche.

Lors de l’exercice, les mécanismes de la thermorégulation ainsi que les besoins en oxygène font que la bouche est grande ouverte, la langue est pendante et la glotte, le larynx, la trachée et l’arbre bronchique sont dilatés 7.

Des signes cliniques peu évocateurs

Les signes cliniques sont peu spécifiques et indiquent une atteinte de l’arbre respiratoire inférieur.

Les chiens sont présentés pour une toux d’apparition brutale après un exercice. Elle est forte, intermittente ou persistante, et son intensité peut varier selon l’activité. Des bruits respiratoires d’intensité augmentée sont parfois détectés à l’auscultation. Il s’agit le plus souvent de crépitements inspiratoires 4,5,7-9.

Une hémoptysie, une halitose, de l’hyperthermie et une leucocytose ont été décrites dans certains cas 4,7,9. L’administration d’antibiotiques et de bronchodilatateurs provoquent souvent une régression partielle des symptômes qui récidivent à l’arrêt des traitements.

Si le corps étranger n’est pas retiré, l’affection de l’arbre bronchique peut évoluer vers une trachéo bronchite purulente, une bronchopneumonie ou un pneumothorax (par brèche pulmonaire). Il peut continuer de migrer, atteindre d’autres organes comme les poumons, les plèvres ou l’espace rétro-péritonéal et former des fistules 7,10-12.

Un cas d’ostéopathie hypertrophiante des os tarsaux, métatarsaux, carpiens et métacarpiens a été observé par Caywood 13.

Les images radiographiques sont peu spécifiques

Lorsque le corps étranger n’est pas radiologiquement visible, seules les conséquences de sa présence sur l’arbre respiratoire sont observées. Il s’agit d’une atteinte focale à diffuse du parenchyme pulmonaire avec densification bronchique, interstitielle, alvéolaire ou mixte 4,5,7-11.

Pour des raisons anatomiques, les lobes pulmonaires droits sont plus fréquemment atteints 1,4,5,7,8,10. La bronche souche droite est plus alignée avec la trachée que la gauche et les corps étrangers y cheminent plus facilement 4. Un épanchement pleural et un pneumothorax peuvent être présents 7,8,11.

La fibroscopie est intéressante La fibroscopie trouve son intérêt lorsque les images radiographiques ne permettent pas d’identifier la cause d’une atteinte des voies respiratoires inférieures ou lorsque les traitements symptomatiques sont inefficaces 2,8,14. Elle permet la visualisation de l’arbre respiratoire ainsi que la réalisation d’un lavage bronchoalvéolaire et de biopsies bronchiques 1,8,14.

L’intervention chirurgicale peut être envisagée lorsque le corps étranger n’est pas à portée, lorsqu’il se délite à la manipulation ou lorsque son extraction lèse dangereusement les tissus qui l’entourent 3,5. Différentes approches chirurgicales ont été décrites. Il peut s’agir d’une trachéotomie 5, d’une bronchotomie 8,15 ou, encore, d’une lobectomie 3,12.

Un pronostic variable Le pronostic dépend avant tout de l’atteinte des voies respiratoires. Il est possible d’observer des lésions de l’arbre bronchique (dilatation, œdème, inflammation, hémorragie et ulcération), la formation d’abcès pulmonaires, de fistules ou d’atteintes pleurales pouvant mener au décès de l’animal 7.

Cependant, lorsque le corps étranger est retiré dans sa totalité, le pronostic est généralement bon 6-8,10.

Mémo

  • Les corps étrangers représentent 3 à 13 % des affections de l’appareil respiratoire inférieur.
  • La nature des objets est variable (dent, clef anglaise, balle, os, végétal…).
  • Les chiens atteints sont généralement de jeunes adultes, de grande taille, exerçant une activité intense en milieu naturel (chien de travail, chien de chasse).
  • La fibroscopie peut permettre d’identifier et d’extraire les corps étrangers bronchiques.

 

À lire…

  1. Brownlie SE (1990). A retrospective study of diagnosis in 109 cases of canine lower respiratory disease. J Small Anim Pract 31:370-6.
  2. Venker-Van Haggen AJ et coll (1985). Bronchoscopy in small animal clinics: an analysis of the results of 228 bronchoscopies. J Amer Anim Hosp Assn 21:521-6.
  3. Murphy ST et coll (1997). Pulmonary lobectomy in the management of pneumonia in dogs: 59 cases (1972-1994). J Amer Vet Med Assn 210(2): 235-9.
  4. Dobbie GR et coll (1986). Intrabronchial foreign bodies in dogs. J Small Anim Pract 27:227-38.
  5. Brownlie SE et coll (1986). Bronchial foreign bodies in four dogs. J Small Anim Pract 27:239-45.
  6. Davies CM (1989). Tracheal foreign body in a German shepherd dog. Vet Record 125 (26-27):648-9.
  7. Lotti U, Niebauer GW (1992). Tracheobronchial foreign bodies of plant origin in 153 hunting dogs. Comp Cont Educ Pract Vet 14:900-5.
  8. Pacchiana PD et coll (2001). Primary bronchotomy for removal of an intrabronchial foreign body in a dog. J Amer Anim Hosp Assn 37(6):582-5.
  9. Volta A et coll (2007). What Is Your Diagnosis? J Amer Vet Med Assn 230 (2): 191-2.
  10. Jones BD, Roudebush P (1984). The use of fi beroptic endoscopy in the diagnosis and treatment of tracheobronchial foreign bodies. J Amer Anim Hosp Assn 20:497-504.
  11. Hopper BJ et coll (2004). Imaging diagnosis: pneumothorax and focal peritonitis in a dog due to migration of an inhaledgrass awn. Vet Radiol Ultrasound 45(2):136-8.
  12. Jackson AH, Degner DA (2002). Cutaneopulmonary fi stula in a dog caused by migration of a toothpick. J Amer Anim Hosp Assn 38(6):545-7.
  13. Caywood DD et coll (1985). Hypertrophic osteopathy associated with a bronchial foreign body and lobar pneumonia in a dog. J Amer Vet Med Assn 186(7):698-700.
  14. Johnson L (2001). Small animal bronchoscopy. Vet Clin N Amer-Small Anim Pract 3 1(4):691-705.
  15. Singleton WB (1963). Foreign body in the bronchus of a dog. J Small Anim Pract 4:1-15.