Urgences métaboliques – Traitement étiologique de l’hypocorticisme
Contexte
- Hypocorticisme chez le chien: prévalence 0.06-0.28%.
 - Signes cliniques peu spécifiques.
 - Amélioration des signes cliniques après la mise en place d’un traitement symptomatique.
 - Défi diagnostique.
- Mécanismes physiopathologiques.
 - Diagnostic.
 - Prise en charge médicale.
 
 
Auteur : Dr. C. Bille 25-01-2014 Centre Hospitalier Vétérinaire des Cordeliers, 29-35 avenue du Maréchal Joffre, 77100 Meaux. E-mail : cbille@chvcordeliers.com
Urgences métaboliques Traitement étiologique de l’hypocorticisme
Mécanismes physiopathologiques

Minéralocorticoïdes: l’aldostérone.
- Action sur le rein. Tubes collecteurs. L’effet net = réabsorption des ions Na+ et Cl-, excrétion des ions K+ et HCO3-.
 - Rétention de Na+ s’accompagne d’une absorption d’eau par le tube collecteur.
 
Rétention hydro-sodée.
Glucocorticoïdes: le cortisol.
- Tous les tissus de l’organisme sont affectés.
 - Maintien de la pression artérielle, du volume vasculaire, de l’équilibre hydro électrolytique, du tonus et de la perméabilité vasculaires.
 - Stimule la néoglucogenèse et la lipolyse chez l’animal a jeun.
 - Il présente des effets anti-inflammatoires et favorise le catabolisme.
 - Stimule l’érythrocytose et permet à l’organisme de lutter contre le stress.
 

Prédispositions: ♀ > ♂, 4-5 ans, races (cf. polycopié).
L’expression clinique peu spécifique. Atteinte multi organique (tube digestif, reins, système nerveux)
Évolution clinique épisodique (25-43% des cas) ou évolutive.
Crise Addisonienne = exacerbation d’un hypocorticisme dont l’expression clinique était jusque là faible à modérée. Cette exacerbation peut être le fait de situations diverses comme un déménagement, un transport ou un toilettage.
L’anamnèse et les commémoratifs: diminution d’appétit/anorexie (88-95%), léthargie (85-95%), vomissements/régurgitations (68-75%), faiblesse (51-75%), perte de poids (40-50%), diarrhée (35%), polyuro-polydipsie (17-25%), tremblements/frissonnements (17-27%), état de choc (10%), abdomen aigu (8%), hématémèse, hématochézie, méléna, ataxie, convulsions, perte de poils, difficultés respiratoires.
Examen clinique: de rien à état de choc en cours de décompensation + hypotension sévère.
Examens biologiques
- Désordres hydro-électrolytiques: cf. conférence précédente.
 - Insuffisance rénale pré rénale (66 à 95%).
 - Défaut de concentration des urines (60 et 88% des chiens, densité urinaire <1.030).
 - Acidose métabolique (50%).
 - Hypercalcémie (30%).
 - Hypoglycémie (<0.7 g/L ou 3.92 mmol/L, 22%).
 - Hypo albuminémie (17 à 39%).
 - Augmentation ALAT (30 à 50%).
 - Anémie non régénérative, normochrome, normocytaire (21 à 25%).
 
Portraits robots
Suspect N°1.
- Chien jeune adulte.
 - Anamnèse/commémoratifs: diminution d’appétit/anorexie (88-95%), léthargie (85-95%), vomissements/régurgitations (68-75%), faiblesse (51-75%), insuffisance rénale pré rénale (66 à 95%).
 - Examen: état de choc (composante hypovolémique).
 - Défaut de concentration des urines (densité urinaire <1.030).
 - hyperkaliémie.
 
Suspect N°2.
- Insuffisance(s) rénale(s) aiguë(s) répondant à la perfusion.
 
Diagnostic de l’hypocorticisme
Test de stimulation à l’hormone corticotrope (ACTH)
- Prise de sang à T0 : mesure de la cortisolémie plasmatique basale.
 - Injection d’une ampoule de Synacthène 0,25/mL™ par voie intramusculaire ou intraveineuse.
 - Prise de sang à T0 + 60 à 90 minutes: mesure de la cortisolémie plasmatique en réponse à la stimulation.
 

Dosage de la cortisolémie basale
- Cortisolémie basale de 123 chiens (13 atteints d’hypocorticisme).
 - Cortisolémie basale <55.2 nmol/L, le test, en vue de diagnostiquer une hypocorticisme, présentait une sensibilité de 100% et une spécificité de 78.2%.
 - Bon examen d’exclusion. Si cortisolémie basale >55.2 nmol/L, hypocorticisme peu probable.
 
Traitement de la crise addisonienne
Combler le déficit volumique
Cf. conférence précédente.
Corriger l’hypoglycémie.
- Glucose 30%, 1-2 mL/kg, IV
 - Glucose 2,5% entretien.
 
Traiter les effets de l’hyperkaliémie.
- Fluidothérapie. Rétablissement de la diurèse et de la kaliurèse.
 - Bicarbonate de sodium. Délai d’action: 1 h. Durée d’action: plusieurs heures. 1 à 2 mEq/kg, par voie intraveineuse sur 1 à 5 minutes.
 - Insuline cristalline (Actrapid™). Délai d’action: presque immédiat. Durée d’action: 30 à 60 minutes. 0.2 UI/kg, IV associée à un bolus de 2 g de glucose par unité d’insuline. Doser la glycémie toutes les 30 à 60 minutes. Cette modalité est de moins en moins recommandée car les risques d’hypoglycémie et d’hyperglycémie sont très importants.
 - Gluconate de calcium 10%. Action sur le potentiel de membrane des cellules (myocardiques). Délai d’action sur la bradycardie: presque immédiate. Durée d’action: 15 à 30 minutes. 1 à 2 mL/kg, IV, sur 15 minutes, sous contrôle électro cardiographique. Interrompre si la bradycardie s’aggrave, si une élévation du segment S-T ou si un raccourcissement de l’intervalle Q-T.
 - Furosémide. contre indiqué (déficit volumique).
 
Corriger les déficits en corticoïdes.
- Toujours après le remplissage vasculaire.
 - N’est pas considérée comme une manœuvre d’urgence sensu stricto.
 - Seule la dexaméthasone n’interfère pas avec le test de stimulation à l’ACTH.
 
Glucocorticoïdes
- Dexaméthasone, 0.1 mg/kg, IV, puis SC q 12h.
 
Minéralocorticoïdes
- Quasi toujours inutile.
 - Si disponible acétate de desoxycorticosterone (DOCA, Syncortyl™), 0.15 mg/kg/j, IM.
 
Traitement de fond de l’hypocorticisme
Corriger les déficits en glucocorticoïdes
Prednisone
- Dose d’attaque: 0.6 mg/kg/j.
 - Après 1 semaine la dose peut être diminuée.
 - 0.1-0.2 mg/kg q 2-3j.
 - Effets indésirables: polyphagie, polyuro-polydipsie, « malpropreté ».
 - Augmenter la dose en cas de stress.
 
Corriger les déficits en minéralocorticoïdes
Acétate de desoxycorticosterone (DOCA, Syncortyl™)
- Minéralocorticoïde uniquement.
 - 0.15 mg/kg/j, IM.
 - Rupture de stock.
 - Administration par le propriétaire. Produit visqueux. Conditionnement en ampoules.
 
Corriger les déficits en minéralocorticoïdes
Pivalate de desoxycorticosterone (DOCP)
- Traitement de choix.
 - Minéralocorticoïde uniquement.
 - 2.2 mg/kg/25 j, SC, IM.
 - Ionogramme tous les 25 j. Adaptation de la posologie par paliers de 10%.
 - Non disponible en France. Importation non autorisée.
 
Corriger les déficits en minéralocorticoïdes
Fludrocortisone (Flucortac 50 µg™)
- Glucocorticoïde de synthèse. Possède une action minéralocorticoïde.
 - 0.01 mg/kg BID.
 - Initier le traitement avec ou sans prednisone. 50% des chiens traités n’auront pas besoin de complémentation en glucocorticoïdes.
 - Souvent nécessaire d’augmenter la dose dans la 1ère année de traitement.
 - Flucortac 50 µg™: dosage inadapté, 107,95€/boite (60 cp). Chien de 10 kg = 216€/mois
 - Reconditionnement de fludrocortisone base possible mais interdiction de le vendre.
 
Suivi
- Clinique essentiellement. Possibilité de recourir au ionogramme.
 - Contrôles
- J0 + 1 semaine.
 - J0 + 1 mois, + 2 mois, + 3 mois, + 4 mois, + 5 mois, + 6 mois.
 - J0 + 1 an, + 2 ans …
 
 - En cas de mauvaise réponse au traitement, soupçonner une seconde endocrinopathie (hypothyroïdie). 225 chiens souffrant d’hypocorticisme: 5% présentaient une 2nde endocrinopathie.
 
Pronostic
- Globalement bon.
 - Réponse au traitement bonne (86.5%), acceptable (12.5%).
 - Médiane de survie 4.7 ans (7j-11.8 ans).
 - Temps de survie fludrocortisone vs DOCP: pas de différence.
 - Cohorte de 205 chiens. 124 sont morts. 120: cause de la mort non liée à l’hypocorticisme.
 
 